A l’approche de la fin de l’année, une question préoccupe les congolais : La RDC vivra-t-elle une Saint Sylvestre sereine, ou une fin d’année volcanique ? Peu à peu, en effet, le doute s’installe dans les cœurs au fur et à mesure qu’approche le 31 décembre et que le pays parait s’enfoncer dans une crise politique. A la base, une tension croissante entre la MP et le RASSOP/Limete. Ainsi, les deux camps nous livrent des lectures diamétralement opposées de la situation du pays.
Du côté du pouvoir, on soutient mordicus que l’Accord est en train d’être appliqué et que l’organisation des élections est inéluctable. Pour étayer cette position, on se base entre autres sur le fait que le Gouvernement est chapeauté par l’ancien porte-parole du Rassemblement, sur l’installation effective du CNSA et surtout l’enrôlement des électeurs par la CENI, qui est en phase terminale.
En face, on ne l’entend pas de cette oreille. Pour le RASSOP/Limete, on estime que le texte n’a jamais été appliqué par la faute du Président KABILA, qui est désormais présenté comme le problème et doit tout simplement se retirer du pouvoir avant le 31/12/2017, faute de quoi, en appliquant l’article 64 de la Constitution, les congolais devraient l’évincer. Concernant le Premier ministre, l’opposition affirme qu’il a été exclu de ses rangs avant sa désignation et ne saurait le représenter. Quant au CNSA, Limete considère qu’il est dirigé par un dissident et ne saurait aucunement assurer sa mission de suivi car constitué, comme le Gouvernement, sur base de ce qu’il considère comme des violations massives de l’esprit et de la lettre dudit Accord.
Plus grave encore, les opposants accusent la CENI de préparer une vaste tricherie à travers un fichier électoral corrompu. Pour appuyer leurs accusations, ils affirment par exemple que les chiffres actuels signifieraient que 93% des habitants du SANKURU se seraient enrôlés, ce qui à leur yeux parait invraisemblable, voire suspect.
Devant ce dialogue de sourds, les partenaires extérieurs semblent avoir choisi le juste milieu, et appellent les acteurs politiques congolais à « appliquer intégralement et de bonne foi l’Accord du 31 décembre 2016 ».
La logique de confrontation qui caractérise les relations entre les deux camps s’est même manifestée à la la 72ème session de l’Assemblée Générale de l’ONU, en septembre 2017. A New-York, on a vu le Président de la République rassurer le monde sur sa détermination à organiser les élections, tandis que les opposants remettaient aux Nations Unies une correspondance annonçant leur rupture avec ce dernier et leur exigence de le voir quitter le pouvoir.
Lors du passage à Kinshasa du Président de la Commission de l’’Union Africaine, la même dichotomie a continué, et monsieur MOUSSA FAKI MAHAMAT s’est retrouvé face à deux discours inconciliables. D’une part, ce dernier a reçu les assurances des animateurs des institutions sur les avancées du processus, mais de l’autre, il a reçu la confirmation de la perte de confiance en l’endroit du Président de la République de la part du RASSOP/Limete, lequel a répété à l’ancien ministre tchadien qu’il ne considérait plus Joseph KABILA comme un interlocuteur mais comme problème, et que ce dernier devait quitter le pouvoir pour laisser place à une « Vraie Transition » dont les tenants n’ont pas définis les contours, ni le cadre, ni les fondements juridiques.
Enfin l’opinion a suivi en direct la tension qui a marqué la plénière du 06/10 à l’Assemblée Nationale, quand deux motions de défiances adressées à des membres du Gouvernement n’ont même pas pu être soumises au vote suite à une motion incidentielle d’un député national de la majorité. Un événement qui confirme la détérioration du climat, avec notamment la sortie tapageuse de l’opposition de la salle des Congrès du Palais du Peuple après avoir pris les congolais à témoin.
A vrai dire, tout au long de cette année, le langage et le comportement des signataires mets à nu une évidence : le climat apaisé, qui constitue le socle de l’accord de la Saint Sylvestre, n’a jamais été de mise. A la place, les médias transmettent chaque jour des joutes oratoires dont la férocité va crescendo.
En définitive, plusieurs observateurs craignent de voir l’année se terminer sur un choc de titans.
De tout ce qui précède, les congolais et les partenaires du pays sont dans un doute qui nous pousse à agiter cette sonnette d’alarme : gare à une fin d’année volcanique.
Ici, nous devons attirer l’attention des uns et des autres, qui comptent chacun sur leurs forces et sur leur capacité supposée ou réelle de s’imposer par le feu : « avant d’allumer le feu de brousse, il faut vérifier la direction du vent, de crainte que la case de ta propre belle-mère ne parte aussi en fumée. » (Proverbe africain)
Abraham MUSITSHI