Depuis quelques temps, la CENI est en train présenter au public une « machine à voter » qui est à la fois semi électronique et semi manuelle. Loin de faire l’unanimité, cette nouvelle technologie sensée réduire les couts des élections soulève des nombreuses interrogations et divise l’opinion publique congolaise. En l’occurrence, si la CENI et une partie de l’opinion saluent cette avancée technologique, les questions fusent cependant sur son opportunité, sa praticabilité, sur la légalité du processus de son acquisition, voire sur les intentions réelles de la CENI derrière cette machine.
Justifications de la CENI
La machine à voter est-elle utile pour le pays et capable de réduire les coûts du processus électoral ? Oui ! Semble répondre la CENI..
Comme argument de base, la CENI mets en avant les difficultés financières et logistiques auxquelles elle est confrontée. En l’occurrence, son vice-président, monsieur Norbert BASHENGEZI, s’adressant aux femmes leaders le samedi 14 septembre dernier, a expliqué à ces dernières que la machine à voter permettait à la fois de gagner du temps, mais aussi de réduire la taille des bulletins de vote. Pour une CENI confrontée à l’obligation, aux termes de l’Accord de la Saint Sylvestre, de coupler les élections présidentielles, législatives et provinciales, l’argument était de taille.
En plus, la question logistique que pose la distribution du matériel électoral à travers les 26 provinces de la RDC ne doit pas être prise à la légère, surtout que le nombre des bureaux de vote doit être nécessairement supérieur à celui des bureaux d’enregistrement des électeurs qui ont dû fonctionner 90 jours alors que le vote est supposer durer une seule journée. Les justifications techniques ne manquent donc pas à la CENI.
Interrogations du peuple et reproches de l’opposition
Cependant, en amont, il y a des questions poignantes qui ne trouvent pas de réponse face à ce que certains qualifie d’ « irruption » de la machine à voter, mais aussi de l’intense campagne de vulgarisation dont ce matériel fait l’objet de la part de la CENI avant même que cette institution n’ait le quitus du Parlement et ne bénéficie d’un consensus politique nécessaire pour introduire ce nouveau matériel dans un processus que l’Accord de la Saint Sylvestre veut apaisé et inclusif.
Ici, la première inquiétude a été exprimée par les femmes leaders des provinces dont la porte-parole, Madame Justine MASIKA, a ouvertement traduit le scepticisme juste après que la fameuse machine leur soit présentées par la CENI : « Nous soutenons les avancées technologiques, mais nous avons peur de cette nouvelle machine d’abord pour des raisons pratiques : chez-nous, il y a pas de courant électrique et presque pas de connexion internet. », s’est inquiété Justine MASIKA.
En date du 21 septembre, lors de la tentative de présenter la machine à voter au cours d’une réunion de la Conférence des Président de l’Assemblée Nationale, l’inévitable s’est produit : tous les opposants ont claqué la porte. Abordée par la presse au sujet de cet incident, l’Honorable EVE BAZAIBA s’est défoulée : « Nous ne pouvions pas participer à une séance illégale et suspecte pour les raisons suivantes :
Un : L’illégalité actuelle de la machine à voter : La loi électorale en vigueur interdit l’usage du vote électronique pour l’actuel processus électoral. Monsieur NAANGA a donc posé un acte illégal en achetant un matériel y afférent.
De deux : L’incompétence de la CENI en matière de choix des options politiques. La CENI n’est pas censée prendre des options politiques, mais traduire ces dernières sur le plan technique. A ce sujet, la CENI avait le loisir de faire fonctionner les mécanismes de consultations des partis politiques et de la société civile pour que les acteurs soient impliqués avant même de procéder à la commande du matériel, qui ne devait se faire qu’après une autorisation du Parlement ou une modification de la loi électorale. Là on voit la CENI en pleine campagne sur une matière non autorisée.
Trois : L’irrégularité du marché des machines à voter : la CENI n’a jamais reçu mandat pour faire un appel d’offre de machines à voter. D’où viennent ces machines ? Où ont été faits les appels d’offre ? Qui étaient les sous missionnaires ? Qui a opéré un choix parmi ces derniers et quand ? Manifestement, tout s’est passé en catimini et de gré à gré. Totalement irrégulier !
Quatre enfin, cette machine matérialise un détournement des fonds publics, a estimé la Secrétaire Générale du MLC, car le Gouvernement n’a jamais été autorisé à doter la CENI de fonds pour procéder à la commande, au choix ni à la vulgarisation d’une quelconque machine à voter de la part de l’autorité budgétaire qu’est l’Assemblée Nationale. Toutes les sommes utilisées à cette fin par NAANGA et son équipe et doivent faire l’objet d’une enquête car il s’agit d’un cas avéré de mauvaise gouvernance et de détournement de fonds publics, » a conclu Eve BAZAIBA.
En guise de conclusion : Nécessité de recadrage
Au regard de tout ce qui précède, si la CENI ne manque pas d’arguments, les interrogations et observations portées sur son innovation sont tout aussi valides. De ce fait, il nous parait urgent que la question soit débattue entre les intervenants au processus, et ceci est de la compétence du Parlement et du CNSA, qui sont les institutions habilitées à autoriser la CENI à procéder aux changements d’options sur le mode électoral. Prendre une route contraire nous parait risqué, car pouvant perturber un climat politique dont la sérénité conditionne la crédibilité même du processus.
Abraham MUSITSHI.