Dans une interview exclusive accordée à tshukudunews.net, le Député National Honoraire Jean-Louis Ernest KYAVIRO dénonce les multiples violations de la loi Constitution de la RDC et exhorte toute la population congolaise au strict respect de cette dernière.
tshukudunews.net : Honorable quelle est la raison de votre inquiétude au sujet de la Constitution ?
KYAVIRO : C’est triste de le dire : la Constitution de la RDC est à la fois l’une des plus belles et l’une des les plus violées du monde. Les institutions, la majorité, l’opposition…tous la violent, et ceci depuis sa promulgation en février 2006. Chose inquiétante, cela ne semble pas suffisamment indigner la population, qui devient ainsi complice par omission.
Tsukudunews.com : Pouvez-vous citer des cas précis ?
KYAVIRO : Il y en des dizaines :
- La Constitution instaure le pluralisme politique, mais la plupart des agents publics de l’Etat se comportent toujours comme des militants des partis au pouvoir.
- L’article 6 de la Constitution oblige les partis politiques à respecter les bonnes mœurs et à s’adonner à l’éducation civique, mais que voyons-nous chez eux ? Des injures dans les médias, du sectarisme, de la corruption, des mensonges… Et ceci dans la majorité comme dans l’opposition.
- L’article 8 consacre l’existence de l’opposition et interdit d’en étouffer les activités, mais ceci se fait impunément et régulièrement.
- Les articles 12 à 14 prônent l’égalité de tous devant la loi et la parité homme-femme, mais leur mise en œuvre reste encore un combat.
- L’article 26 stipule que les organisateurs des manifestations publiques doivent juste informer les autorités, mais ces dernières s’érigent impunément en censeurs.
6.La torture et le traitement inhumain, qui sont strictement interdits par la Constitution, sont endémiques dans presque tous les lieux de détention.
7.La séparation des pouvoirs est foulée aux pieds : on entend des ministres parler à la place du Président de la République, on voit un ministre orienter des procès des cours et tribunaux, des ministres outrager impunément l’Assemblée Nationale, la CENI n’en faire qu’à sa tête …
8.La Constitution interdit l’usage de la Police et de l’armée à des fins privées, mais l’on voit régulièrement des unités de la PNC et même des FARDC se comportercomme des vulgaires milices de la MP.
9.L’article 97, rend incompatibles les fonctions de ministre avec les responsabilités au sein des partis politiques. En octobre 2017, nous avons des cas graves : le ministre de la fonction publique est Secrétaire Général de l’UFC, le ministre de l’Intérieur (celui-là même qui gère les partis), est secrétaire Général Adjoint du PPRD, le ministre de l’urbanisme est Vice-Président de l’AFDC etc.. curieusement, il y a des médias qui les présentent comme tel sans relever la scandaleuse irrégularité de leur situation.
10.La même constitution invalide le mandat de tous les élus qui changent volontairement de partis en cours de législature. Ici, c’est le bouquet: en 2011 et en 2015, on a vu un grand nombre d’élus postuler comme candidats pour le compte de partis différents de ceux sur les listes desquels ils siègent mais, curieusement, aucun n’ a été invalidé ! Pire : dans une terrible conspiration dans le mal, l’opposition comme la MP ont craché sur cette disposition. Partant, il se pose la question de la légalité de nos assemblées qui siègent avec des personnes n’ayant plus qualité ; dont les décisions risquent un jour d’être remises en cause. . En effet, nos assemblées ressemblent à des équipes qui, alignent des joueurs ayant écopé de cartons rouges.
11.La Constitution instaure la retenue à la source de 40% des recettes des provinces destinées au Trésor Public, mais, il n’en a jamais été question. A la place, il y a des rétrocessions illégales, souvent illogiques et versées de manière irrégulière qui étouffent le développement de nos provinces.
12.La Constitution proclame la gratuité de l’enseignement primaire, mais l’état oblige les enfants du primaire à payer le minerval, et récolte les frais du TENAFEP. Cette année 2017-2018, la ville de Kinshasa exige même 18000 FC à chaque élève du primaire. Et ceci sans la moindre réaction de l’Assemblée Provinciale, ni celle du ministre de l’éducation nationale.
13.La Constitution prône le respect de la propriété privée, mais on voit la police venir perturber des rencontres des opposants dans leurs résidences…je me limite là car la liste est trop longue.
tshukudunews.net : devons- nous alors abandonner cette Constitution que la classe politique ne parvient pas à respecter?
KYAVIRO : Ma réponse est non, car la Constitution nous transmets les ordres de notre patron, qui n’est autre que le peuple congolais : nous devons lui obéir et l’appliquer. Point barre ! En plus, son contenu répond aux intérêts supérieurs de notre nation.
tshukudunews.net : Quelle est alors votre proposition ?
KYAVIRO : Il n’est pas question de niveler nos normes constitutionnelles par le bas pour faire allégeance aux antivaleurs ambiantes , mais de fournir des efforts qu’exige la moralisation de vie publique nationale en vue de nous lancer vers le décollage effectif de la RDC, lequel n’est possible que sur base d’un respect rigoureux des normes et des principes .
En conséquence, chaque citoyen, où qu’il se trouve, a le devoir de respecter et de faire respecter notre Constitution, qui est notre bible juridico-politique. Au cas contraire, nous risquons de léguer un bilan humiliant aux générations futures.
Propos recueillis par Aline ENGBE